• Émile Nelligan

    Émile Nelligan

     

    Émile Nelligan, né le 24 décembre 1879 à Montréal et mort le 18 novembre 1941 dans la même ville, est un poète québécois influencé par le mouvement symboliste ainsi que par les grands romantiques. Souffrant d'une névrose précoce, Nelligan est interné dans un asile psychiatrique peu avant ses vingt ans. L'œuvre du poète est donc à proprement parler une œuvre de jeunesse. Elle nous a été transmise par son ami Louis Dantin, qui est à l'origine de la première publication de ses poèmes, en 1904.

    Ce recueil constitue un ensemble inégal en termes d'authenticité créatrice – nombre de poèmes sont des pastiches ou des reflets de plumes bien connues –, mais révèle néanmoins un poète original au talent indéniable. La musicalité des vers est très certainement l'aspect le plus remarquable de la poésie d'Émile Nelligan. Les principaux thèmes abordés sont l'enfance, la folie, la musique, l'amour, la mort et la religion.

     

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    Le vaisseau d'or

     

    Le vaisseau d'or

    C’était un grand Vaisseau taillé dans l’or massif :

    Ses mâts touchaient l’azur, sur des mers inconnues ;

    La Cyprine d’amour, cheveux épars, chairs nues,

    S’étalait à sa proue, au soleil excessif.

     Le vaisseau d'or

    Mais il vint une nuit frapper le grand écueil

    Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène,

    Et le naufrage horrible inclina sa carène

    Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.

    Le vaisseau d'or

    Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes

    Révélaient des trésors que les marins profanes,

    Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.

     Le vaisseau d'or

    Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?

    Qu’est devenu mon cœur, navire déserté ? 

    Hélas ! Il a sombré dans l’abîme du Rêve !

    Le vaisseau d'or 

    Emile  Nelligan

     

    Le vaisseau d'or 

     


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  •  Le jardin d'antan

    Le jardin d'antan

    Le jardin d'antan

     

    Rien n'est plus doux aussi que de s'en revenir

    Comme après de longs ans d'absence,

    Que de s'en revenir

    Par le chemin du souvenir

    Fleuri de lys d'innocence

    Au jardin de l'Enfance 

    Le jardin d'antan  

    Au jardin clos, scellé, dans le jardin muet

    D'où s'enfuirent les gaîtés franches,

    Notre jardin muet,

    Et la danse du menuet

    Qu'autrefois menaient sous branches

    Nos sœurs en robes blanches.

    Le jardin d'antan  

    Aux soirs d'Avrils anciens, jetant des cris joyeux

    Entremêlés de ritournelles,

    Avec des lieds joyeux,

    Elles passaient, la gloire aux yeux,

    Sous le frisson des tonnelles,

    Comme en les villanelles.

    Le jardin d'antan  

    Cependant que venaient, du fond de la villa,

    Des accords de guitare ancienne,

    De la vieille villa,

    Et qui faisaient deviner là,

    Près d'une obscure persienne,

    Quelque musicienne.

     Le jardin d'antan

    Mais rien n'est plus amer que de penser aussi

    A tant de choses ruinées !

    Ah ! de penser aussi,

    Lorsque nous revenons ainsi

    Par sentes de fleurs fanées,

    A nos jeunes années.

    Le jardin d'antan  

    Lorsque nous nous sentons névrosés et vieillis,

    Froissés, maltraités et sans armes,

    Moroses et vieillis,

    Et que, surnageant aux oublis,

    S'éternise avec ses charmes

    Notre jeunesse en larmes !

    Le jardin d'antan

    Émile Nelligan  (1879-1941)

     

     

    Le jardin d'antan


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